La nécessité de repenser la démarche de sauvetage des entreprises en difficulté est devenue impérative. Considérant le contexte économique, l’enjeu et les effets d’entraînement en découlant une démarche qui allie pertinence, efficacité et agilité serait foncièrement recommandé. Tous les leviers pouvant promouvoir la pérennité de l’entreprise et le maintien des postes d’emploi s’imposent comme un enjeu stratégique.
Le dernier rapport de la Cour des comptes traitant du dispositif de sauvetage des entreprises en difficulté fait état d’un ensemble de constats qui traduisent une atonie des mécanismes et principes retenus en la matière.
Une faiblesse du nombre de significations des difficultés : 46 cas sur 302 entreprises sur 5 ans, un taux d’adhésion aux arrangements à l’amiable ne dépassant les 88 cas sur 414 entreprises sur 5 ans et une réticence des créanciers à déclarer les signes avant-coureurs des difficultés.
Les raisons sont en lien avec la complexité d’apprécier les signes précoces des difficultés et des délais anormalement repoussés des procédures collectives qui gèlent toute action judiciaire ainsi que le décompte des intérêts de retard.
En dépit des tentatives visant l’amélioration des conditions de sauvetage, les textes de loi en la matière se succèdent mais les résultats font du surplace. Les motifs sont nombreux mais il est aisé d’en considérer trois :
Une ossature de textes sclérosée
La dose «trop ou tout judicaire» des dispositions de la loi fait que les aspects économiques et financiers sont de fait relégués au deuxième plan. Alors que les vraies questions sont d’un autre registre : quel produit pour quel marché ? Quelles sont les perspectives de croissance ? Quel Business model ? Quel niveau technologique? Quels nature et niveau d’activité optimale ? Et, surtout, quelle est la capacité de l’entreprise à dégager du cash pour que la dette soit soutenable ?
Des plans de sauvetage sans relief
Le rapport de la Cour des comptes fait ressortir un constat clair : les programmes de sauvetage sont caractérisés par une qualité insuffisante, voire faible du diagnostic et la similitude des termes des programmes limités essentiellement aux volets financiers sans tenir compte des aspects économiques et sociaux, ce qui réduirait considérablement les chances d’aboutissement des solutions proposées.
En réalité, les rapports d’expertise se succèdent et se ressemblent. Les propositions d’arrangement sont taillées (presque) de la même façon et selon la même lecture : (i) un rabattement de la dette (ii) un rééchelonnement du reliquat de la dette sur 10,13 voire 15 ans avec des délais de grâce allant de 2 à 3 ans (iii) avec comme option, pour quelques cas, une cession partielle d’actifs. Les programmes de sauvetage sont démunis de toute originalité et dépourvus de toute imagination. Les solutions préconisées sont stéréotypées, déconnectées du contexte et ne tiennent pas compte des vraies questions dont dépendra la survie des entreprises.
Le temps, une variable quasi absente
Les étapes des plans de sauvetage allant de la détection des signes avant-coureurs des difficultés à l’introduction de la société au programme de procédures collectives jusqu’à la validation et la mise en place sont tellement chronophages que l’entreprise serait, au bout du chemin, mise «hors service». Etant «classée» dans le secteur financier, s’agissant d’une créance en difficulté sérieuse, l’entreprise aura perdu entretemps de sa notoriété, son portefeuille clients serait quasiment parti en fumée, ses fournisseurs fermeront les vannes et ses meilleurs employés partiront ailleurs. Quel sens aurait pris le programme de sauvetage dans ces conditions ? Quels gâchis économiques, financiers et sociaux seraient comptabilisés in fine ? Quelle valeur ajoutée aurait créé cet arsenal de dispositions aussi complexes qu’inadaptées ?
Le temps qu’on perd pour sauver une entreprise en difficulté est beaucoup plus cher que l’argent exigible ou les montants abandonnés par les créanciers.
Sauver une entreprise en difficulté : un vrai métier d’expert(s)
Nous pouvons, sans hésitation, dire que le dispositif actuel n’est pas en mesure de favoriser la réussite des plans de sauvetage encore plus réunir toutes les conditions d’une reprise solide et confirmée de l’activité des entreprises en difficulté.
La logique économique fait qu’il faut a contrario accepter un taux de mortalité de ces entreprises. Selon cette même logique, il serait également inconcevable de se permettre le luxe de rater des opportunités réelles pour sauver des entreprises, certes en difficulté, mais potentiellement viables et fiables. L’absence ou l’insuffisance d’experts spécialisés en matière d’évaluation et de montage financier spécifiques, la lenteur des décisions de justice, l’absence de juridictions spécialisées, le turnover des juges, le nombre de dossiers sont autant de facteurs qui favorisent la validation de programmes plutôt «légers», inadaptés, très en retard, voire dépourvus de leur raison d‘être.
Hichem REBAI